Dans la tradition judéo-chrétienne, il est coutume de dire que Dieu est saint. Intouchable, transcendant, absolu. Mais dans les évangiles, une révolution discrète se joue : Jésus ne se contente pas d’incarner Dieu. Il le sanctifie. C’est-à-dire : il le rend digne d’amour. Il purifie son image. Il opère un retournement théologique majeur dont la portée a été, jusqu’ici, trop peu méditée.
Le Dieu de l’Ancien Testament : un Dieu à réhabiliter
Avant Jésus, Dieu est craint. Il parle par tonnerre et foudre. Il impose des lois strictes. Il frappe les Égyptiens, commande des massacres, exige des sacrifices sanglants. Il est jaloux, colérique, imprévisible. Il peut tuer des enfants innocents pour punir des rois. Il divise les peuples, détruit les villes, punit ses propres fidèles quand ils doutent ou désobéissent.
Ce Dieu-là, celui de Moïse, d’Élie ou de Josué, est un Dieu redouté plus qu’aimé. Un Dieu qui inspire la terreur plutôt que la confiance. Un Dieu pour qui l’obéissance vaut plus que la justice, et dont l’amour semble toujours conditionnel. À tel point que Jésus dira à certains : « Votre Père, c’est le diable. »
Jésus : un homme qui change Dieu Le Grand Pardon Universel
Et puis arrive Jésus. Et ce que Jésus accomplit, ce n’est pas seulement d’incarner Dieu, c’est de le transformer. Non pas dans son essence divine, mais dans sa représentation, dans sa relation avec les hommes. Il ne détruit pas l’image de Dieu, il la purifie. Il la rend enfin aimable, juste, lumineuse.
Par ses actes : guérir, pardonner, manger avec les exclus, refuser la violence, s’offrir plutôt que frapper - il réécrit Dieu à travers lui-même. Il montre, par sa vie, que Dieu n’a jamais voulu les sacrifices, qu’il n’a jamais demandé le sang, qu’il n’a jamais désiré la peur.
Jésus sanctifie Dieu non pas en le flattant, mais en le révélant autrement. Il le fait bon. Il le fait aimant. Il le fait humain - sans jamais le rabaisser.
C’est pourquoi, loin de n’être qu’un prophète ou un sage, Jésus devient le réconciliateur cosmique. Il ne sauve pas seulement l’homme. Il sauve Dieu de l’image terrible que les traditions lui avaient collée. Il lave le divin de la fureur. Il l’innocente des crimes qu’on lui avait attribués. Il pardonne à Dieu en quelque sorte, en acceptant de souffrir pour annuler la dette symbolique entre l’homme et le ciel.
Le Grand Pardon Universel
Le christianisme, dans cette lecture, devient le récit d’une double rédemption. L’homme est pardonné, car il n’a plus besoin de tuer pour plaire à Dieu. Et Dieu est pardonné, car l’image déformée qu’on avait de lui est transcendée.
C’est un Grand Pardon, un effacement des dettes. Un effondrement des anciennes lois de sang. Une immaculée conception du divin à travers un homme. Voilà pourquoi Jésus est grand. Plus grand que ce que les chrétiens eux-mêmes imaginent : non parce qu’il est Dieu, mais parce qu’il réconcilie Dieu avec lui-même.
Une théologie inversée
Traditionnellement, c’est Dieu qui sanctifie. Il sanctifie le peuple, les objets, les lieux. C’est lui qui rend pur, qui élève.
Mais avec Jésus, le sens est inversé. C’est l’homme qui sanctifie Dieu. C’est l’humanité, à travers un homme juste, qui réhabilite le divin. Jésus dit au monde : Vous avez mal compris Dieu. Regardez ce que je fais. Voilà qui Il est.
Ce renversement, cette sanctification du divin par l’humain, est le cœur du message chrétien - trop souvent enfoui sous les dogmes, les querelles de nature, de consubstantialité, de Trinité.
La beauté du christianisme
C’est ici que le christianisme, au-delà des églises et des rites, atteint sa beauté la plus pure. Dans cette mise à nu du divin, dans cette transfiguration de Dieu par l’homme. Dans cette idée que le sacré n’est pas une puissance cruelle, mais un amour qui se donne, jusqu’au bout.
Jésus, par son sacrifice volontaire, rétablit le lien entre le ciel et la terre. Il ne condamne pas le passé : il le transcende. Il ne nie pas les anciens dieux : il les épure, les sauve même, en les ramenant à la source de toute bonté.
Et c’est en cela qu’il est, peut-être, plus que le fils de Dieu. Il est le père d’un Dieu nouveau.
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