lundi 15 décembre 2025

"Le Temple Sacrificiel"

Bill entra dans le temple cubique. De l’extérieur, le bâtiment était bleu ciel et blanc, presque trop propre pour être honnête. À l’intérieur, tout scintillait d’or, sauf le sol, un damier noir et blanc qui donnait l’impression d’avancer sur une immense échiquier abandonné aux dieux.

Au centre, l’autel de marbre. Froid. Lisse. Attendant quelque chose.

Et derrière lui, la statue.

Moloch. Trois mètres de hauteur. Une présence plus qu’une forme. Un mélange de noir, de rouge sombre, de métal patiné. Ses yeux vides semblaient attendre depuis des siècles qu’on leur parle à nouveau.

Jeffrey s’approcha, ravi comme un maître de cérémonie trop habitué à ce rôle.

« Tu arrives juste à temps, Bill. Nous venions d’ouvrir le rite. »

« Je n’aurais manqué ça pour rien au monde », répondit Bill, d’un ton calme qui sonnait presque déplacé dans cet endroit.

Deux silhouettes sortirent des ombres. Des prêtresses. Leurs mouvements étaient synchronisés, presque fluides, comme s’il s’agissait d’un ballet répété pendant des années. L’une portait quelque chose enveloppé dans un tissu épais, blanc, parfaitement serré, impossible à deviner. L’autre tenait dans les mains un sabre ancien, long, légèrement incurvé, dont la lame avait la pâleur d’un os poli par le temps.

Elles déposèrent l’offrande sur l’autel. Le tissu ne bougea pas, mais l’air sembla vibrer autour.

Jeffrey commença à psalmodier. Une langue qui n’existait dans aucun livre, une suite de sons gutturaux et sifflés qui semblaient écorcher la gorge même de ceux qui les prononçaient. Les prêtresses reprirent en écho. Bill ne comprenait pas les mots, mais il connaissait très bien ce qu’ils signifiaient. Il avait déjà assisté à ce genre de cérémonie.

Il avait déjà participé.

Jeff tendit le sabre vers lui.

« Tu es mon invité d’honneur, Bill. Ce soir, c’est toi qui conduis le passage. »

Bill prit l’arme. Sa main ne trembla pas. Son visage ne changea pas. Il hocha simplement la tête, comme quelqu’un qui accomplit une tâche apprise depuis longtemps, presque administrative.

Il s’avança vers l’autel.

Les prêtresses cessèrent de respirer. Jeffrey ferma les yeux. Le temple sembla retenir son souffle.

Ce qui se passa ensuite ne fut pas visible.

Le geste fut masqué par le corps de Bill, et surtout par l’ombre massive de Moloch qui s’étendait sur l’autel. On entendit un son bref. Un bruit presque étouffé.

Puis plus rien.

Jeffrey rouvrit les yeux.

« Moloch est servi », annonça-t-il avec une satisfaction calme.

Bill déposa le sabre ensanglanté, puis recula d’un pas. C’était dans l’ordre des choses.

La cérémonie pouvait continuer.

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