lundi 22 décembre 2025

"Crocs & Orcs, l'expérience culinaire"

Balinor Forgefeu n’avait pas toujours été critique gastronomique. Pendant trois siècles, il avait forgé des haches dont la simple évocation faisait trembler gobelins, trolls et comptables nains au moment de régler l’addition.

Puis, un jour, fatigué du vacarme des enclumes, il s’était découvert une passion inattendue : goûter tout ce que la Terre du Milieu pouvait produire de comestible ou prétendument comestible.

Depuis dix ans, il arpentait chemins, cités et tavernes, son carnet de notes toujours dans la poche intérieure, juste à côté de quelques feuilles elfes utiles pour les digestions délicates. Sa plume, célèbre dans les sept montagnes, était réputée pour son franc-parler et son absence totale de diplomatie.

Ce jour-là, Balinor arrivait à Minas Tirith, où une auberge attira aussitôt son attention :

CROCS & ORCS Spécialités de la Moria à la Mordorienne

Le nain s’arrêta net.

- Des spécialités orcs ? Marmonna-t-il. Les orcs mangent des choses autres que des voyageurs imprudents ?

Poussé par la curiosité, il poussa la porte.

L’ambiance était particulière.

Des crânes animaux, probablement, ornaient les murs. Des torches vacillaient dans un brouillard étrange, et une odeur qui évoquait le fond d’un marais du Mordor.

L’auberge étant entièrement vide, un serveur à l’air absent l’invita à choisir la table de son choix : ce qui, vu l’offre, n’était pas difficile.

- Qu’est-ce que je vous sers ?

- Je découvre la cuisine orc, alors le plat du jour fera l’affaire.

- Ah ! Vous avez de la chance : aujourd’hui c’est du Gounash. Entièrement comestible.

- Comment ça, entièrement ?

- Disons que certains jours, il vaut mieux avoir un estomac solide. Mais je vous rassure, nous n’avons eu que trois décès depuis le début de la saison.

Balinor déglutit, mais fit signe d’amener le plat. Après tout, il avait survécu à la traversée du Mordor en mangeant des racines non identifiées. Il survivrait bien à un déjeuner.

Dix minutes plus tard, on posa devant lui une sorte de pâté jaunâtre, couvert d’épices rouges.

L’odeur le frappa aussitôt. Un parfum de terre humide et de champignons rancis, rappelant étrangement les fossés pestilentiels de Cirith Ungol.

Mais Balinor Forgefeu n’était pas du genre à reculer.

Il prit une cuillère et goûta.

Il faillit tomber de sa chaise.

- Vous êtes sûr que ça se mange ?

- Les orcs en mangent.

- Je m’en serais douté, oui.

Courageux  ou suicidaire Balinor termina le Gounash. Non sans transpirer, grimacer, et envisager sérieusement un testament.

- Alors ? demanda le serveur, plein d’espoir.

- Je suis vivant, répondit Balinor, ce qui était le meilleur compliment qu’il pouvait faire.

Il régla la note, sortit pour respirer l’air pur de Minas Tirith, et sortit son carnet.

Il nota soigneusement, à côté du nom Crocs & Orcs :

0 œil de Sauron

(notation minimale à réserver aux amateurs d’expériences périlleuses)

Puis il ajouta en marge :

“A éviter, sauf si l’on souhaite revoir toute sa vie défiler avant le dessert.”

Et il reprit sa route, décidé à découvrir de nouvelles cuisines...



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire