vendredi 26 décembre 2025

"Le Culte de la Pierre Tombée du Ciel"

Greda Tresse-de-Fer, membre respectée du peuple de la Montagne Solitaire, avait quitté ses salles d’étude en pierre polie, ses bibliothèques gravées de runes et même la forge chaude de son époux pour suivre une passion singulière chez les Nains : la religion comparée.

On répétait partout que les Hobbits du Comté ne possédaient ni prêtres, ni temples, ni rites.

Alors, lorsqu’un colporteur lui confia qu’un petit village hobbit du Nord pratiquait un culte propre, « très ancien, très secret », elle n’avait pas hésité : sac au dos, carnet de terrain sous le bras, elle était partie.

Après s’être perdue trois fois, elle trouva enfin le hameau. À peine arrivée, elle fut accueillie comme seule une communauté hobbit sait le faire : avec sourires et compliments à n’en plus finir.

On la mena ensuite chez la maire, une femme rondelette au port assuré, nommée Mirabella Brandebeux.

- Que puis-je pour vous, chère dame naine ?

- Je suis étudiante en sociologie religieuse et j’ai entendu dire que votre village pratiquait un culte particulier.

- “Particulier” ? Non, non, ma chère. Le culte originel. Le premier. Le seul véritable.

Greda pensa : Ils disent tous ça.

- Et quel est votre dieu ?

- Némès, répondit Mirabella avec un respect évident. Le seul, l’unique. Venez, il faut que vous voyiez la Pierre.

Elle la guida au centre du village, où se dressait un rocher noir, légèrement luisant, parfaitement rond.

- Contemplez-la, et recueillez-vous.

- Devant ce caillou ? demanda Greda.

- Ce n’est pas un caillou ! C’est la Pierre Sacrée tombée du ciel, fragment du sol divin lui-même. Touchez-la donc.

Greda s’exécuta.

- Eh bien, cela ressemble fort à une météorite. Très belle, cela dit. Et que faites-vous exactement pour votre culte ?

- Une fois par an, nous tournons autour cinq fois dans le sens des tourbillons.

- Pourquoi cinq ? Et pourquoi dans ce sens ?

- Parce que Némès l’a ordonné.

- Et que demande-t-il d’autres ?

- Les poules sont impures. Nous n’en mangeons pas.

- Impures ? Pourquoi ?

- Parce que Némès l’a dit, répéta Mirabella avec un sourire confiant.

- Pourtant, s’il a créé tous les animaux, il aurait pu éviter les poules ou les rendre pures, non ?

- C’est pour nous mettre à l’épreuve.

- Mais Dieu, je veux dire Némès, ne sait-il pas déjà tout ?

- Bien sûr qu’il sait tout ! Passé, présent et futur...

- Alors il n’a pas besoin de vous tester, murmura Greda, avant d’être interrompue par un fracas retentissant.

- Qu’est-ce que c’était ?

- L’appel à la prière. Six fois par jour, notre prêtresse bat les tambours sacrés pour nous rappeler à nos obligations.

- Je vois, enfin j’entends. Et que priez-vous ?

- Némès, naturellement. Il a besoin de nos prières.

Greda cligna des yeux.

Un Être parfait qui a besoin de quelque chose.

Un égrégore culturel, probablement, pensa-t-elle en griffonnant quelques notes.

- Dites-moi, pourquoi les hommes et les femmes sont-ils séparés ?

- Oh, parce que les femmes sont supérieures, voyons ! Les hommes sont impurs.

- Eux aussi ?

- Tous ! Ils ont des pensées impures. C’est pour cela qu’ils portent tous un masque qui trouble leur vision.

- Je me demandais justement pourquoi ils portaient un masque.

- Si vous restez un peu, nous vous trouverons un mari !

- Oh non, merci. Je suis déjà mariée.

- On peut en avoir plusieurs, vous savez.

- Un seul suffit largement, croyez-moi. Je pense avoir observé tout ce qu’il me faut pour ma thèse. Merci pour votre hospitalité.

Mirabella s’inclina profondément.

- Revenez quand vous voulez, Dame Greda. Et que Némès veille sur vous !

- Merci. Je saurais retrouver mon chemin.

Sur la route du retour, elle ne se perdit qu'une seule fois. Elle soupira, rangea son carnet et murmura :

- Je pense que j’aurai mon diplôme sans la moindre difficulté.




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