Se faire haïr par amour - La tragédie discrète de L’Effet Papillon
Il existe des gestes d’amour si profonds, si silencieux, qu’ils échappent à toute reconnaissance. Des sacrifices si radicaux qu’ils ne laissent même pas la possibilité d’être remerciés. Ce sont des actes d’amour déguisés en trahisons. Et le film L’Effet papillon (version cinéma) en est l’un des plus puissants exemples.
Dans cette fin magistrale, Evan décide de se retirer définitivement de la vie de Kayleigh. Non seulement il rompt tout lien avec elle, mais il fait en sorte qu’elle le déteste. Il sème dans leur passé une image de lui si repoussante qu’elle s’en éloignera à jamais.
Pourquoi ? Parce qu’il l’aime. Parce qu’il sait que sa présence, malgré toutes ses tentatives pour réparer les choses, finit toujours par lui causer du tort. Alors il disparaît. Et pour que cette disparition soit totale, il accepte d’endosser le rôle du monstre.
Ce geste, que beaucoup qualifieraient de lâche ou incompréhensible, est en réalité un sommet de lucidité tragique. Evan ne cherche plus à être aimé. Il ne cherche même plus à être compris. Il cherche uniquement à permettre à l’autre de vivre une vie paisible, sans lui. Et cela, quitte à n’être plus qu’un mauvais souvenir.
Ce genre de décision, on le retrouve dans les grandes tragédies grecques. Le héros y est souvent condamné non par ses fautes, mais par ses choix. Des choix vertueux, mais incompatibles avec la logique du monde. Dans L’Effet papillon, Evan devient ce héros tragique, qui agit bien tout en étant perçu comme un mal.
Et dans la vie réelle ? Cela existe, bien plus souvent qu’on ne le croit. Certains s’éloignent brutalement de ceux qu’ils aiment. Certains acceptent d’être rejetés pour protéger l’autre. Certains deviennent même haïssables pour libérer ceux qu’ils aiment d’une dépendance ou d’une spirale destructrice.
Et souvent, ils laissent derrière eux des malentendus, voire de la haine. Mais cela aussi, c’était voulu.
Car parfois, se faire détester est le prix à payer pour que l’autre vive libre.
Et c’est cela, peut-être, le plus haut sommet de l’amour humain : celui qui ne cherche aucun retour. Celui qui accepte d’être oublié, voire honni, pour que l’autre soit sauvé.
À ce niveau-là, l’amour rejoint le tragique. Et le tragique, parfois, touche au divin.
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