jeudi 25 décembre 2025

"Les Signes"

Cette histoire est un petit cadeau pour un ancien membre.

Un homme discute avec sa femme.

- J’ai regardé la compatibilité des couples par rapport à leur signe astrologique.

- Ah oui ? Et alors ?

- Eh bien... pour nous, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux.

- Ahah ! (elle rit) Explique.

- C’est même catastrophique. Apparemment, une Vierge et un Lion, ça donne des étincelles... mais pas du genre feu d’artifice romantique. Plutôt du genre incendie de cuisine.

- (sourire) Donc si je comprends bien, on est condamnés à s’engueuler.

- Exactement. Moi je suis têtu comme une mule, toi fière comme une reine... En gros, le ciel dit qu’on ne devrait même pas être capables de se supporter plus de dix minutes.

- (elle croise les bras) Intéressant. Et ça fait combien de temps qu’on est ensemble ?

- Trois ans.

- Et combien de fois tu as essayé de fuir, Monsieur “têtu comme une mule” ?

- (il baisse les yeux) Aucune.

- Voilà. Tu vois, les astres exagèrent toujours.



mercredi 24 décembre 2025

"Le Traîneau électrique"

« Père, père, le traîneau est en panne. »

Le père Noël leva les yeux au ciel.

« Ah ça, je le savais. Que passer à l’électrique allait nous causer des problèmes. »

Le lutin se tortilla.

« Il faut vivre avec son temps, père. »

« Vivre avec son temps au mépris du réalisme, ça n’a aucun sens. Je vous avais prévenus. Les véhicules électriques n’aiment pas le froid. »

Le lutin soupira.

« On avait les avantages de l’État. On a cru faire une bonne affaire. »

« Vous avez cédé à la propagande, mes enfants. L’ancien traîneau a fonctionné pendant des siècles. Pourquoi changer ce qui marche ? »

« On a voulu bien faire. On voulait sauver la planète. »

Le père Noël se pencha vers lui.

« Et en quoi un traîneau magique tiré par des rennes peut nuire à l’atmosphère ? »

« Aucun tort, père. Vous avez raison. »

« Bien. Sortez les rennes de l’étable. J’ai une nuit de travail devant moi. Le monde a-t-il perdu tout bon sens ? »



mardi 23 décembre 2025

"Un Rêve Trop Grand"

- Tu ne vas pas y aller. Je te l’interdis.

- Tu ne peux pas m’interdire quoi que ce soit. J’y vais si je veux.

- Je dis ça pour ton bien, mon chéri.

- Pour mon bien ? Alors que tu veux m’empêcher d’accomplir mes rêves ?

- Des rêves trop grands pour toi ! Tu n’as aucune chance.

- Aucune chance ? Dis tout de suite que je suis moche.

- Mais tu es moche, mon chéri. Tu es un troll des marais, et même parmi les trolls, tu fais partie des plus laids. Et ce n’est pas une mince affaire.

Le troll croisa les bras, vexé, sa grosse lèvre inférieure tremblant comme une méduse échouée.

- Ça sera aux juges d’en décider, pas à toi.

- Je suis ta femme, je suis très bien placée pour juger.

- Je préfère l’avis d’un professionnel.

- Tu t’es déjà regardé dans un miroir, au moins ?

- Jamais. Où veux-tu que je trouve un miroir dans un marais ? 

Elle soupira, puis fouilla sous un tas de roseaux secs.

- Eh bien... je ne voulais pas te le montrer, mais j’en possède un.

- Sans blague ? Toi ? Tu as un miroir ?

- Oui. Il est tombé d’un carrosse il y a des années. Je l’ai gardé.

Elle lui tendit le miroir.

Le troll s’y regarda et poussa un hurlement.

- OH PAR LE CRAPAUD ROYAL ! Mais qui est ce type dans le reflet ?

- C’est toi, mon chéri.

Il resta muet quelques secondes.

- Et moi que je voulais participer à un concours de beauté des humains...

- Ne t’en fais pas pour ça. Pour moi, tu seras toujours Monsieur Marais.




lundi 22 décembre 2025

"Crocs & Orcs, l'expérience culinaire"

Balinor Forgefeu n’avait pas toujours été critique gastronomique. Pendant trois siècles, il avait forgé des haches dont la simple évocation faisait trembler gobelins, trolls et comptables nains au moment de régler l’addition.

Puis, un jour, fatigué du vacarme des enclumes, il s’était découvert une passion inattendue : goûter tout ce que la Terre du Milieu pouvait produire de comestible ou prétendument comestible.

Depuis dix ans, il arpentait chemins, cités et tavernes, son carnet de notes toujours dans la poche intérieure, juste à côté de quelques feuilles elfes utiles pour les digestions délicates. Sa plume, célèbre dans les sept montagnes, était réputée pour son franc-parler et son absence totale de diplomatie.

Ce jour-là, Balinor arrivait à Minas Tirith, où une auberge attira aussitôt son attention :

CROCS & ORCS Spécialités de la Moria à la Mordorienne

Le nain s’arrêta net.

- Des spécialités orcs ? Marmonna-t-il. Les orcs mangent des choses autres que des voyageurs imprudents ?

Poussé par la curiosité, il poussa la porte.

L’ambiance était particulière.

Des crânes animaux, probablement, ornaient les murs. Des torches vacillaient dans un brouillard étrange, et une odeur qui évoquait le fond d’un marais du Mordor.

L’auberge étant entièrement vide, un serveur à l’air absent l’invita à choisir la table de son choix : ce qui, vu l’offre, n’était pas difficile.

- Qu’est-ce que je vous sers ?

- Je découvre la cuisine orc, alors le plat du jour fera l’affaire.

- Ah ! Vous avez de la chance : aujourd’hui c’est du Gounash. Entièrement comestible.

- Comment ça, entièrement ?

- Disons que certains jours, il vaut mieux avoir un estomac solide. Mais je vous rassure, nous n’avons eu que trois décès depuis le début de la saison.

Balinor déglutit, mais fit signe d’amener le plat. Après tout, il avait survécu à la traversée du Mordor en mangeant des racines non identifiées. Il survivrait bien à un déjeuner.

Dix minutes plus tard, on posa devant lui une sorte de pâté jaunâtre, couvert d’épices rouges.

L’odeur le frappa aussitôt. Un parfum de terre humide et de champignons rancis, rappelant étrangement les fossés pestilentiels de Cirith Ungol.

Mais Balinor Forgefeu n’était pas du genre à reculer.

Il prit une cuillère et goûta.

Il faillit tomber de sa chaise.

- Vous êtes sûr que ça se mange ?

- Les orcs en mangent.

- Je m’en serais douté, oui.

Courageux  ou suicidaire Balinor termina le Gounash. Non sans transpirer, grimacer, et envisager sérieusement un testament.

- Alors ? demanda le serveur, plein d’espoir.

- Je suis vivant, répondit Balinor, ce qui était le meilleur compliment qu’il pouvait faire.

Il régla la note, sortit pour respirer l’air pur de Minas Tirith, et sortit son carnet.

Il nota soigneusement, à côté du nom Crocs & Orcs :

0 œil de Sauron

(notation minimale à réserver aux amateurs d’expériences périlleuses)

Puis il ajouta en marge :

“A éviter, sauf si l’on souhaite revoir toute sa vie défiler avant le dessert.”

Et il reprit sa route, décidé à découvrir de nouvelles cuisines...



dimanche 21 décembre 2025

"Le Théâtre ? Quel gâchis !"

Gromph et Brakka sortaient de la salle, l’air aussi sombre que les cavernes du Mordor.

Des spectateurs humains pleurnichaient d’émotion.

Eux, ils grognaient de rage.

Gromph :

- C’était nul.

Brakka :

- Nul ? C’est un compliment ! On s’est fait avoir comme des gobelins.

Gromph :

- Les morts étaient simulé. On se moque de nous. On a vu clairement que personne n’a été éventré.

Brakka :

- Les acteurs n’ont aucun courage. Aucun honneur. Pas capables de mourir sur scène.

Gromph :

- Et le sang ! On en parle du sang ?

Brakka :

- Du faux. Rouge clair. Pire que de la soupe d’elfe végétarien.

Gromph :

- Le couteau, t’as remarqué le couteau ?

Brakka :

- J’ai des yeux, merci. Une lame rétractable ! Comme les jouets pour enfants orcs !

Même mon petit neveu de trois ans, a mieux que ça.

Gromph :

- Et le viol !

Brakka :

- Quoi le viol, c’était simulé ?

Gromph :

- Bien sûr ! Tout simulé ! Ils ne font jamais rien pour de vrai ces gens-là !

Pas une goutte de sueur, pas un os cassé, pas même un hurlement sincère.

Brakka :

- Mais c’est quoi cet art dramatique ? Où est le drame ?

Chez nous, quand la pièce s’appelle "La Tragédie du Fort Saignant", tu peux être sûr qu’il reste des morceaux sur scène !

Gromph :

- Exactement ! Là, rien. 

Ça manque de tripes. Littéralement.

Brakka :

- Trop c’est trop. Je vais demander à être remboursé.



samedi 20 décembre 2025

"GITMO : Les Retraités du Mal"

On l’appelait Alex Poros.
Héritier d’un empire minier, génie de la robotique, obsédé par les tsunamis.
Il avait tenté pour rééquilibrer l’humanité, disait-il, de déclencher une vague artificielle gigantesque en faisant exploser une charge thermonucléaire dans une fosse océanique.

Une cascade improbable d’événements avait mené à son arrestation. Notamment la présence parfaitement fortuite d’un agent secret britannique en vacances.

On le menotta.
Il demanda un verre de Chardonnay.
On lui répondit :
« Vous êtes en route pour Cuba, vous aurez un Mojito, Mister Poros. »

Guantánamo.
Un soleil qui rend fou, un vent qui n’a jamais lu la Constitution, et des grillages à perte de vue.

Poros fut conduit au Bloc Q, officiellement "désaffecté".
Officieusement : la cage dorée des cerveaux les plus dangereux du monde.

Son guide lui murmura :

- Bienvenue, Mister Poros. Ici, pas d’évasion. Les derniers qui ont essayé ont été dévoré par des alligators. 

Ce n’était pas une cellule qu'on lui présenta, mais un salon étrange :
meubles fixés au sol, lumière clinique.

Et surtout : trois personnes assises autour d’une table à jouer aux cartes.

Ils levèrent les yeux comme si l’heure du thé était perturbée.

1. Billy Guitts

Ancien génie de l'informatique, obsédé par le contrôle du climat.
Avait tenté d’installer des panneaux solaires dans la stratosphère pour détourner les rayons du soleil.
Avait aussi un sourire que personne n’osait qualifier de psychotique.

2. Dr Abel Fochy

Philanthrope officiel, bio-terroriste officieux.
Avait voulu remplacer l’humanité par une version génétiquement modifiée.
Les gouvernements disaient encore qu’il avait simplement disparu.

3. Lady Helena Gloutin

Élégance glaciale. Spécialiste de la corruption politique.
Avait tenté de prendre le contrôle mondial des marchés financiers grâce à une IA nommée Evergreen.
L'IA l’avait en fin de compte dénoncée aux services secrets américains.

Guitts sourit en voyant Poros.

- Tiens, le garçon aux vagues. J’ai suivi vos essais. Une ambition rafraîchissante.
Fochy ajouta :
- Dommage que vous ayez été arrêté avant la grande démonstration.
Lady Gloutin conclut :
- Ne soyez pas intimidé. Ici, nous ne jugeons personne. Enfin sauf quand les plans sont médiocres.

Viens t’asseoir Poros dit Guitts. Plus on est de fous, plus on rit. Guitts commença à parler de son dernier plan :

- Il reposait sur un réseau orbital de drones climatiques, mais le Pentagone m’a tout gâché.

- Moi, dit Fochy, j’avais mis au point un virus dormant capable d’effacer la volonté humaine. Très noble projet. Les gouvernements n’ont pas compris.

Lady Gloutin parla avec douceur :
- J’avais presque pris le contrôle des banques centrales. Une simple synchronisation d’algorithmes et toute la monnaie mondiale aurait obéi à mes décisions.

Poros croisa les bras.
- Mes tsunamis vous auraient engloutis, ainsi que toute l'île de Cuba.

Tous le regardèrent avec un respect.



vendredi 19 décembre 2025

"Le Silence Avant la Déchirure"

Quand la comète changea de forme

La première alerte vint lorsqu’un astronome chilien partagea une photo où la “comète” semblait se déplier.

Pas fondre. Pas se fragmenter.

Mais se déplier, comme un insecte quittant une chrysalide.

La photo devint virale.

Une deuxième image apparut : la forme avait encore changé. Des angles nets, comme une architecture glissant dans l'espace.

Puis, plus aucun observatoire indépendant ne parvint à calibrer correctement ses instruments.

Quelque chose brouillait les mesures.

La NASA déclara que toute information circulant sur les réseaux sociaux était erronée.

Mais ils n’osèrent pas montrer leurs propres images.

Sur les plateaux TV, les journalistes évitaient tous la même question :

“Que voit-on réellement ?”

Puis le monde changea de sujet.

Les drones : La première apparition eut lieu à l’aéroport de Düsseldorf.

Un objet blanc et silencieux stationnant à moins de dix mètres au-dessus d’un Airbus.

Puis à Los Angeles, à Shanghai, à Johannesburg.

Toujours le même comportement :

souvent immobile, parfaitement stable malgré les vents,

comme si la gravité n’avait aucune emprise.

Des vidéos commencèrent à émerger :

des drones sphériques, métalliques et lisses tournant lentement sur eux-mêmes.

Peu après, ils apparurent au-dessus de bases militaires, puis le long des côtes américaines :

de petites sphères surgissant de la mer et grimpant vers le ciel à une vitesse impossible.

La communication officielle : l’art de ne rien dire

Les gouvernements adoptèrent la même stratégie partout dans le monde :

"Drones non identifiés."

"Phénomènes météorologiques anormaux."

"Pas de menace connue."

"Nous gardons la situation sous contrôle."

Les journalistes, étrangement alignés, répétaient :

"Il ne faut pas affoler la population."

On évitait soigneusement le terme extraterrestre.

Les disparitions : C’est d’abord passé inaperçu.

Une touriste disparue à Lisbonne.

Un pêcheur manquant en Floride.

Un adolescent introuvable dans la banlieue de Tokyo.

Puis les chiffres s’accumulèrent.

En une semaine, plus de dix-sept mille personnes manquaient à l’appel.

Aucune scène de crime. Aucun témoignage fiable.

Parfois une caméra de surveillance captait un flash blanc, puis une silhouette disparaissait littéralement en une image.

Les complotistes parlaient d’enlèvements extraterrestres.

Les médias parlaient de "fugues dues à l’anxiété collective".

Les gouvernements gardaient un silence compact, presque orchestré.

Puis, plus rien.

Au douzième jour, tout cessa.

La comète ou le vaisseau disparut purement et simplement du ciel.

Aucune trace. Comme si elle avait glissé hors du réel.

Les drones cessèrent leur ballet.

Certains "tombèrent" dans l’océan.

Les disparitions cessèrent également.

Les dix-sept mille manquants ne furent jamais retrouvés.

Pas de corps. Pas de trace. Pas de survivant.

Les experts proposèrent tout et son contraire :

crise psychologique collective, phénomènes atmosphériques inconnus, nouvelle forme de criminalité mondiale, parasites hallucinogènes, fraude massive orchestrée sur les réseaux sociaux.

Les plus prudents reconnaissaient :

"Nous ne savons pas."

Les plus cyniques déclaraient :

"Le temps fera oublier."

Et pendant ce temps, dans les archives audio du Pentagone, une phrase enregistrée sans autorisation circulait en secret :

"Ils ont prélevé ce dont ils avaient besoin. Ils reviendront."



jeudi 18 décembre 2025

"Le Vaisseau qui Venait du Froid"

Les astronomes amateurs étaient formels :

“La trajectoire est impossible.”

“Ce n’est pas naturel.”

“On nous cache quelque chose.”

Les vidéos se multipliaient. Les forums explosaient.

Les réseaux sociaux bruissaient de théories : fraude, contact extraterrestre, opération militaire secrète.

Les médias officiels, eux, se contentaient de répéter :

- C’est une comète. Une comète. 

Jusqu’à ce que la conviction se change en malaise.

Dans les couloirs de la NASA, on ne parlait plus de "comète" mais de "l’objet".

Les ingénieurs paraissaient fatigués.

Les conférenciers trébuchaient sur leurs mots.

Le directeur administratif transpirait en permanence.

Et le président, d’ordinaire prompt à commenter tout et n’importe quoi... gardait le silence.

Silence si total que les journalistes, étonnamment, évitaient le sujet.

Comme si quelqu’un leur avait demandé de le faire.


A bord du vaisseau Le contraste était total.

Le bâtiment glissait dans l’espace sans vibration, sans inertie perceptible.

De l’extérieur : un noyau gelé, allongé, brillant faiblement imitation parfaite d’une comète interstellaire.

De l’intérieur : un dédale argenté, vivant, respirant.

L’officier scientifique ajusta ses capteurs.

- Notre dissimulation fonctionne parfaitement, commandant.

Le commandant, silhouette haute, peau d’un gris métallique, ne parut pas convaincu.

- Pas aussi bien que vous le croyez. Nombreux sont ceux qui ont compris notre vraie nature.

- Ce ne sont que des Terriens isolés, commandant, répondit l’officier. Insignifiants. Pour leurs autorités, il n’y a qu’une comète intersidérale.

Le commandant fit comprendre par un simple mouvement de paupières nictitantes qu’il n’était pas d’accord.

- Oh, ils savent. Pas tous, mais assez. Et bientôt, tout le monde saura... puisque nous allons nous montrer.

L’officier se figea.

- Je croyais que notre mission était uniquement une observation, commandant. Observer et partir. Rien de plus.

- Notre mission, oui.

Le commandant se détourna, observant l’hologramme de la Terre, tournant à une vitesse dérisoire.

- Mais je ne parlais pas d’elle. Je parlais de la mission suivante. Celle à laquelle j’aurais aimé participer.

- Une invasion, commandant ?

Un très léger sifflement résonna dans la salle.

- Nous venons de vérifier leurs moyens de défense. Et ils sont dérisoires.

Il posa une main sur la rambarde.

- Alors oui. Il y aura invasion.

Les lumières du vaisseau tremblèrent : le camouflage cométaire venait d’être relâché.

La coque adoptait maintenant sa forme véritable géométrie mouvante, angles impossibles, couleur qui n’existait pas dans le spectre humain.



mercredi 17 décembre 2025

"La Folle Théorie"

Marc martelait la porte capitonnée de ses poings.

- Puisque je vous dis que je ne suis pas fou ! Laissez-moi sortir ! hurla-t-il, la voix brisée d’épuisement.

Dans le couloir, le docteur Roger soupira en consultant son dossier. À ses côtés, son assistante, Clara, observait la scène à travers la petite vitre.

- Tu ne devineras jamais ce qu’il m’a raconté, dit Roger.

- Non, quoi encore ? demanda Clara en croisant les bras.

- Une invasion extraterrestre imminente.

Elle leva les yeux au ciel.

- Oh, un classique. Rien de surprenant.

- Si, justement. Son récit est cohérent. Trop cohérent. Pas une seule contradiction. Pas une hésitation. C’est ça qui m’a mis mal à l’aise.

Clara haussa les épaules.

- Ça arrive. C’est même ce qui les rend plus dangereux.

Roger déglutit.

- Si tu as cinq minutes, je te raconte. Son histoire m’a profondément perturbé.

- J’en ai dix, peut-être vingt. J’ai assommé tous mes patients de tranquillisants. On est tranquilles.

- Parfait. Voilà sa version des faits.

Il prit une inspiration, comme s’il s’apprêtait à répéter quelque chose qui l’avait marqué plus qu’il ne voulait l’admettre.

- Selon lui, les autorités américaines auraient conclu un pacte avec les Gris. De la technologie en échange de territoires souterrains, puis, plus tard, à ciel ouvert, quand la population aurait été suffisamment décimée.

- Décimée par quoi ? demanda Clara en mimant l’intérêt.

- Par le Covid, bien sûr.

- Mais enfin, ça ne s’est pas passé.

- Il le sait. Il dit même que ce n’était pas le virus qui devait tuer les gens, mais les décisions politiques. Les gouvernements terrorisent la population, déclarent un virus monstrueux, instaurent des confinements interminables. Les personnes positives sont emmenées dans des camps où elles sont supprimées. Discrètement. Leurs morts attribuées au « rétrovirus ».

Clara hocha la tête, amusée.

- Malin, mais toujours pas arrivé.

- Oui, sauf qu’il a une explication qui m’a presque retourné l’estomac, avoua Roger. Selon lui, tout ce plan a été contrecarré par un vaccin non homologué, mis précipitamment sur le marché. Non pas pour sauver du Covid, mais pour stopper les confinements et interrompre la chaîne d’événements que les comploteurs avaient prévue.

Clara sourit.

- Donc des vaccins inefficaces qui sauvent le monde indirectement ? Il a de l’imagination.

- Et ce n’est pas tout, dit Roger. Il affirme que depuis cet échec, les comploteurs tentent de déclencher une troisième guerre mondiale comme plan B.

Un long silence s’installa. Clara se frotta le menton.

- Attend... Je crois comprendre. Car, si je me souviens bien, c’est la même personne qui a validé l’utilisation de ces vaccins d’urgence et qui a ensuite supervisé plusieurs accords de paix internationaux, non ?

Roger pâlit.

- Oui. Exactement. C’est ce qu’il dit.

Clara fixa la porte capitonnée derrière laquelle Marc continuait de taper faiblement, presque sans force.

- Dans ce cas, murmura-t-elle, peut-être que ton « client » n’est pas complètement fou.



mardi 16 décembre 2025

"Stone L'initié"

Deux amis cinéphiles avaient leurs habitudes dans un petit café. Chaque semaine, ils venaient refaire le monde ou plutôt, refaire les films.

« Il y a quelque chose que je ne comprends pas », lança Marc en reposant sa tasse.

« Oui, quoi ? »

« Pourquoi Oliver Stone a confié le rôle d’Alexandre à Colin Farrell et celui d’Olympias à Angelina Jolie ? Elle joue sa mère, ils ont quasiment le même âge. »

« Tu n’es pas le seul à t’être posé la question. Ils ont, quoi... un an d’écart ? »

« Un truc comme ça. Ça casse toute crédibilité. »

Son ami sourit.

« Ou alors Stone est un initié. »

Marc leva un sourcil.

« Ah, l’idée circule depuis JFK, oui. Même dans le film Président d’un jour ils se moquent de lui, alors qu’au fond, il est le seul à avoir vu la vérité. »

« Exactement. Et ça pose une question : qu’a-t-il vu dans l’histoire d’Alexandre que nous ne voyons pas ? »

« Aucune idée. »

Marc prit une grande inspiration, comme s’il allait livrer un secret d’État.

« Un ami m’a raconté sa théorie. Tu veux l’entendre ? »

« Evidemment. »

« Alexandre serait en fait Philippe II renouvelé. »

« Renouvelé ? Mais encore ? »

« C’est assez simple. Philippe II aurait reçu un nouveau nom après un rite de passage, un baptême tardif, un changement d’identité. Et ce nouveau nom serait Alexandre. »

« Donc il n’aurait pas de fils ? Ou plutôt il serait son propre fils. »

« Voilà. Et Olympias ne dit-elle pas que le père d’Alexandre est Zeus ? Non pas un père biologique, mais une filiation spirituelle. Une renaissance. »

L’ami hocha la tête, amusé et intrigué à la fois.

« Je comprends. Et c’est pour ça qu’on n’a jamais trouvé la tombe d’Alexandre, mais seulement celle de Philippe. »

« Exact. On ne peut pas avoir deux tombes pour un seul corps. »

Il se renfonça dans sa chaise, satisfait.

« Je dois l’admettre. Tu m’as convaincu. Oliver Stone est un initié. »